Après un Nouvel an et un mois de janvier tout en contraste, le mois de février au Japon, malgré le froid et la neige, renferme déjà en lui toutes les promesses du printemps. 🙂
La météo de février favorise certes la tenue de fameux festivals de neige et de glace. Le célébrissime Sapporo Snow Festival sur l’île d’Hokkaidô, au nord du pays, en est d’ailleurs une illustration.
Cependant, n’oublions pas que cette même météo annonce aussi dans certaines régions l’arrivée du printemps avec l’éclosion de fleurs de pruniers précoces. D’où, rappelons-le, ces délicates fleurs de pruniers repérées sur nombre de cartes de voeux gardant encore la mémoire du Nouvel an de l’ancien calendrier japonais…
Dans ce contexte, je vous invite à découvrir aujourd’hui les dates clés et les temps forts d’un mois de février au Japon. Retour donc au calendrier japonais avec pas moins de deux jours fériés dans le mois ! 🙂
Mais, plus encore que ces jours fériés très solennels officiellement inscrits au calendrier de l’époque moderne, nous verrons que ce sont deux autres dates du calendrier qui restent chères au coeur de la majorité des Japonais d’aujourd’hui.
Début février au Japon : vive le retour du printemps !
La première de ces dates chères aux Japonais est celle qui proclame la fin de l’hiver dans le calendrier traditionnel.
Eh oui ! Aussi surprenant que cela puisse paraître, selon l’ancien calendrier lunaire chinois, le retour du printemps a bien lieu début février ! 😀
Ainsi, la veille de son retour, on s’adonne à quelques rituels visant à chasser les démons et les mauvais esprits hors de chez soi pour y inviter le bonheur et la chance en égrainant la formule magique de : oni wa soto, fuku wa uchi !/鬼は外、福は内 ! « Démons dehors, chance à la maison ! ».
Ce jour variable de début février porte le nom de setsubun no hi/節分の日/ »Jour du changement de saison » et représente la transition entre deux saisons, en l’occurrence ici le passage de l’hiver au printemps.
Les festivités qui s’y rapportent remonteraient quant à elles à l’époque Muromachi (1336 – 1573) et se déclinent sous deux angles, l’un communautaire l’autre privé.
La fête de SETSUBUN en famille
Lorsqu’elle est pratiquée en famille, la fête de setsubun/節分 se déroule à la nuit tombée. En effet, il s’agit là du moment préféré des esprits démoniaques ! 😀
Mais en quoi consiste-t-elle donc ?
Dans sa forme traditionnelle, le rôle des démons/oni est tenu par les aînés, qui portent des masques à cornes de couleur très vive. De leur côté, les enfants de la famille ont pour rôle de les chasser en leur lançant des graines de « haricots porte-bonheur »/fukumame/福豆 destinés à les faire sortir de la maison pour permettre ensuite au dieu du bonheur d’y pénétrer. Rappelons ici que les oni/ »mauvais esprits » sont vecteurs de maladies et de calamités dont il faut à tout prix se débarrasser pour passer l’année tranquille et en bonne santé !
S’ensuit le ramassage des graines de soja éparpillées dans la maison. La coutume veut que chaque membre de la famille mange alors l’équivalent de son âge en nombre de haricots pour s’assurer une année exempte de maux particuliers. La prononciation du mot 豆/haricot – « mame » – renvoie d’ailleurs à une image de robustesse et de solidité. Ceci explique donc cela ! 🙂
Reconnaissons qu’il s’agit là d’un rituel familial bien sympathique, qui n’est d’ailleurs pas sans me rappeler à certains égards celui d’Halloween…
La fête de SETSUBUN au sanctuaire ou au temple
Héritière directe d’un rite d’exorcisme initialement pratiqué pendant la veillée du Nouvel an/大晦日/ômisoka, la fête de setsubun/ 節分の日 se tient aussi en société dans l’enceinte des sanctuaires et des temples.
La cérémonie profane consiste en un lâcher de « haricots porte-bonheur »/fukumame/福豆, souvent présidé de nos jours par des personnalités populaires auprès du grand public.
En parallèle, se déroulent des cérémonies shintoïstes à vocation plus spirituelles, généralement à l’écart de la foule.
SETSUBUN NO HI : le renouveau printanier en 5 symboles
Quelle que soit la manière dont on a choisi de fêter ce renouveau printanier inscrit précocement au calendrier, l’événement fait la part belle à cinq symboles illustrés dans le petit éventail ci-dessus.
Si quatre d’entre eux relèvent bien de la « tradition », le dernier en revanche s’est propagé de façon toute récente à partir de la ville d’Osaka dans un but purement commercial.
Masques de demons et haricots porte-bonheur
Comme nous l’avons vu plus haut, ces deux-là font assurément partie de la pure tradition japonaise. On les retrouve d’ailleurs dans une chanson d’enfant retraçant le rite du lancer de haricots, que je vous invite à découvrir ici en musique et en paroles 🙂 :
MAMEMAKI/豆まき
A ces deux incontournables de la fête, il convient cependant d’adjoindre deux autres symboles traditionnels.
Epouvantail contre beaute absolue
Ils ont pour noms :
- iwashi hiiragi/鰯ヒイラギ, sorte d’épouvantail accroché à l’entrée de la maison, composé d’une branche de houx coiffée d’une tête de sardine séchée : il est censé empêcher l’entrée des vilains démons.
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ume/le prunier japonais/梅, appelé également « abricotier japonais » : sa floraison, qui précède celle des cerisiers, me semble tout aussi admirable et digne d’être fêtée. Les Japonais ne s’y trompent pas et lui consacrent aussi tous les honneurs qui lui sont dus une fois en fleurs .
Qui plus est, outre ses fleurs délicates et odorantes, le prunier du Japon sert de base à la confection de deux must de la culture culinaire japonaise : le umeboshi/梅干し/petite prune salée et acide qui trône fièrement dans les boîtes à bentô et le liquoreux alcool de prune/umeshu/梅酒.
Dans ce duel implacable, il va de soi que c’est toujours la beauté qui finit par l’emporter ! 😀
Gros maki porte-bonheur
Enfin, tout droit sorti du chapeau de commerçants d’Osaka connaissant le faible de la population japonaise pour la nourriture en général, le ehômaki/恵方巻 s’est popularisé comme une traînée de poudre ces dernières années.
Comme son nom l’indique en japonais, pour attirer la bonne fortune à soi, chacun doit déguster en silence et tout de go un énorme maki, en prenant soin de respecter une orientation indiquée comme de bon augure pour l’année en cours…
Miam, miam ! Dans certains cas, les superstitions ont du bon, vous ne trouvez pas ? En plus, elles permettent de remplir les tiroirs caisses ! 😀
Ainsi donc au Japon, en mémoire de l’ancien calendrier lunaire, quiconque le souhaite peut fêter par deux fois le Nouvel an ! 🙂 Qui dit mieux ?…
11 et 23 février au Japon : deux jours fériés solennels
Deux jours fériés bien solennels sont ensuite au rendez-vous du mois de février japonais. Tous deux ont trait à l’histoire du Japon et renvoient à la figure impériale…
11 février au Japon : célébration de la fondation de l’Etat japonais
Ce jour férié est consacré à la célébration de la fondation de l’Etat japonais. J’ajoute immédiatement qu’il s’agit là d’une fondation mythique, associée au nom de l’empereur Jinmu.
En effet, selon les chroniques les plus anciennes (Kojiki et Nihon shoki), cet empereur légendaire serait le premier empereur du Japon intronisé en l’an 660 avant J.C., et descendrait directement de la divinité du soleil Amaterasu.
Instituée en 1873 sous le nom de kigensetsu/紀元節, communément appelé « jour de l’Empire », la commémoration du 11 février répondait au besoin politique de faire entrer le Japon dans le concert des grandes nations modernes en adoptant une fête nationale digne de ce nom. La date retenue correspondrait quant à elle à la conversion de la date d’intronisation de l’empereur Jinmu dans le calendrier grégorien.
Toutefois, considéré comme peu propice à la démocratisation du pays du fait de son lien étroit avec le système impérial, ce jour férié fut aboli après la Seconde guerre mondiale. Néanmoins, il renaîtra de ses cendres en 1966, sous le nom de kenkoku kinen no hi/建国記念の日.
Aujourd’hui, il est l’occasion pour les Japonais de réfléchir à l’histoire de leur pays en tant que Nation. Le Premier ministre donne une allocution tandis que de nombreux défilés traditionnels et contemporains sont organisés à travers tout le pays.
La vidéo suivante en anglais nous en donne un parfait exemple :
23 février au Japon : anniversaire du 126ème empereur du Japon
Toujours en lien avec la lignée impériale, le hasard de sa date de naissance fait que Naruhito, représentant en titre du trône du Chrysanthème, fête son anniversaire au mois de février également, le 23.
Comme tout empereur japonais, un jour férié est donc dédié à la célébration de son anniversaire : le tennô tanjôbi/天皇誕生日.
A cette occasion, l’empereur sort de sa réserve et vient saluer depuis le balcon du palais impérial de Tôkyô quelques milliers de fidèles tirés au sort, ayant postulé pour venir lui rendre hommage. Il s’adresse aussi à la nation entière lors d’un discours diffusé sur le ondes, reçoit les voeux de dignitaires invités au palais et répond aux questions de journalistes.
L’article suivant donne le ton en images de cette journée particulière :
Premières salutations au balcon de l’empereur Naruhito pour son 63e anniversaire (histoiresroyales.fr)
Pour ma part, alors même que je ne suis pas spécialement adepte des têtes couronnées de par le monde, j’avoue éprouver une affection toute particulière pour cet empereur japonais qui aime assurément son peuple.
En effet, ce « prince de la vertu », Naruhito/徳仁, dégage à la fois une grande distinction et une grande modestie. Qui plus est, chose exceptionnelle, il a concrétisé un mariage d’amour et a modernisé l’image de la famille impériale à travers ses allocutions. Symbole de l’unité du peuple japonais, il ne manque jamais d’avoir des propos généreux et compatissants à l’égard des plus démunis. Par ailleurs, dans ses discours, on note toujours beaucoup d’intérêt et de délicatesse envers la gent féminine, à commencer par son épouse l’impératrice Masako. Même si l’on ne comprend pas la langue japonaise, je pense que l’on peut parfaitement capter cet état d’être de l’empereur Naruhito à travers la petite vidéo de ses 63 ans :
Alors, d’autres volontaires pour s’inscrire au fan club ?… 😀
14 février au Japon : une Saint Valentin à la japonaise
Entre ces deux jours fériés des 11 et 23 février, s’insère une fête bien connue de tous : la Saint Valentin !
Sans aucun rapport avec la culture traditionnelle, la Saint Valentin s’est invitée par mimétisme dans la société japonaise à la fin des années 50 à la faveur d’une campagne commerciale initiée par un fabricant de chocolats. Mais, il faudra attendre les années 70 pour qu’elle devienne véritablement populaire et que commerces et grands magasins s’emparent de cette nouvelle poule aux oeufs d’or. On estime en effet que plus de 10% des ventes de chocolat au Japon ont lieu la semaine précédant le 14 février.
Pour autant, la Saint Valentin japonaise présente quelque singularité par rapport à la nôtre : ce sont les femmes qui offrent des chocolats aux hommes, et non l’inverse !
Qui plus est, le cadeau n’est pas destiné au seul bien-aimé, il se décline aussi de diverses manières à l’attention de l’environnement masculin de chacune.
Ainsi, on distingue pour l’essentiel :
- le giri choko/義理チョコ : chocolats offerts à titre de courtoisie aux hommes de notre entourage, notamment dans la sphère professionnelle.
- le honmei choko/本命チョコ : chocolats offerts à l’élu de son coeur.
Généralement, les femmes achètent leurs giri choko/義理チョコ en boutique et confectionnent leurs honmei choko/本命チョコ par elles-mêmes si elles disposent du temps nécessaire. Ces chocolats n’en auront que plus de valeur ! 🙂
Toutefois, l’imagination des esprits mercantiles étant sans limites, la pratique s’est récemment élargie à la sphère amicale : on parle alors de tomo choko/友チョコ. Certaines célibataires vont même jusqu’à s’offrir des chocolats à elles-mêmes : les go hôbi choko/ご褒美チョコ ou jibun choko/自分チョコ. Comme le dit l’adage, on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! 😀
Ainsi donc, au Japon, ce sont les femmes qui sont à la manoeuvre à la Saint Valentin ! Mais rassurez-vous, le calendrier du mois de mars a prévu de les en récompenser avec un cadeau en retour le jour du White day/ホワイトデー.…
Avant de lire notre article consacré au mois de mars, n’hésitez pas à nous faire partager vos impressions et commentaires sur ce mois de février au Japon en utilisant les liens créés à cet effet sur la page. Merci à vous ! 🙂
お元気で/o genki de !
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