Après un mois de décembre qui aura mis notre patience à rude épreuve, le Nouvel An japonais ouvre l’année sur de grands moments de réjouissance.
Les festivités si convoitées du Nouvel An japonais ouvrent ainsi le bal sur un mois de janvier fort plaisant ! Je m’en vais vous les faire découvrir par le menu. C’est parti ! 🙂
1er janvier : le début des festivités de Nouvel An au calendrier japonais
Je parle de « début » de festivités de Nouvel An car, dans les faits, le 1er janvier au Japon marque une période de repos d’au moins trois jours durant laquelle nombre de Japonais se rendent dans leur région d’origine pour fêter la nouvelle année en famille. Comme pour la fête de o bon en été, on assiste donc à un mouvement de grande transhumance à cette époque de l’année au Japon !
Les réjouissances du Jour de l’an, qui porte le nom de ganjitsu/元日 ou gantan/元旦, s’articulent autour d’activités variées. Elles se déroulent, d’une part dans la chaleur du foyer, et d’autre part en extérieur sous la protection d’un sanctuaire.
Dans tous les cas, voici le temps venu d’échanger la formule magique des voeux de Nouvel An :
shinnen akemashite omedetô gozaimasu !
新年明けましておめでとうございます !
Nouvel An japonais : un temps de partage familial dans l’intimité du foyer
A quoi ressemble donc un Jour de l’an japonais dans une famille soucieuse de respecter la tradition ? …
Voici ce que j’ai retenu de ma propre expérience, lorsque je vivais à Kyôto…
La toute première impression que j’ai gardée, c’est celle d’un véritable temps de pause après des mois de turbulence quotidienne.
ECHANGE DE NENGAJô ET DE TOSHIDAMA
En effet, la journée commence piano piano avec la découverte des cartes de voeux/nengajô/年賀状 reçues le jour même.
Pour les enfants, c’est le moment de recevoir leurs étrennes sous forme de toshidama/年玉, ces enveloppes soigneusement préparées qui renferment quelques billets pour bien commencer l’année.
ACCUEIL DU RENOUVEAU
Vient ensuite le moment de déterminer les activités auxquelles on souhaite s’adonner pendant la journée. L’idée principale étant de « commencer l’année du bon pied », on choisit judicieusement les premières actions que l’on entame ce jour-là. En la matière, le choix ne manque pas !
Dans la liste des « premières fois de l’année », on relèvera :
- le premier lever de soleil
- la première coupe de saké
- la première calligraphie
- la première visite au sanctuaire
Sans compter qu’une attention particulière sera également portée au premier rêve de l’année – le hatsuyume/初夢 – dans la nuit du 1er au 2 janvier. Pour l’anecdote, comme l’illustre cette jolie carte de voeux, sachons que l’apparition du Mont Fuji, d’un faucon et d’aubergines dans ce rêve est considérée comme de bon augure pour l’année ! (1) 😀
(1) Cela mérite tout de même une explication : cette association tient à des jeux de mots sur les sonorités fuji/buji, taka et nasu, qui conduisent respectivement aux doubles sens suivants : Mont Fuji/sain et sauf, faucon/haut, aubergine/réaliser. En d’autres termes, ces visions simultanées seraient la garantie de traverser l’année sans encombre avec l’assurance de réaliser ses aspirations !
Personnellement, amoureuse des kanji/caractères chinois, j’ai un faible particulier pour la pratique de la première calligraphie de l’année/kakizome/書き初め, qui consiste à coucher littéralement sur le papier un voeu cher à notre coeur.
Mais je reste aussi très impressionnée par la ferveur avec laquelle la majorité des Japonais se pressent dans les sanctuaires le 1er janvier pour effectuer leurs premières prières de l’année. 🙂
Un incontournable au calendrier japonais de janvier : la première visite au sanctuaire !
La première visite au sanctuaire effectuée par les Japonais en tout début d’année porte le nom de hatsumôde/初詣, qui signifie littéralement « première visite au temple pour aller prier ».
A titre d’exemple, sur les seuls trois premiers jours de l’année, on évalue à plus de 3 millions le nombre de visiteurs au sanctuaire Meiji de Tôkyô, le plus fréquenté du pays.
Dans la pratique, voici résumé en vidéo le déroulement classique de cette visite au sanctuaire :
HATSUMÔDE
On remarquera que la superstition n’est jamais très éloignée du sentiment religieux au Japon, mais qu’y a t-il de mal à vouloir mettre tous les atouts de son côté pour passer une bonne année ! 😀
Lorsque je vais dans un sanctuaire, je ne me prive d’ailleurs pas, en plus du rituel o mikuji/おみくじ (tirage au sort d’un oracle divin), de suspendre un ema/絵馬 (plaquette votive en bois sur laquelle on écrit un voeu) pour être sûre de voir mes voeux exaucés. On n’est jamais trop prudent avec les dieux/kami ! 😀
L’autre incontournable au calendrier japonais de janvier : les mets du Nouvel An !
Bon, c’est bien joli tout ça ! Mais quand est-ce qu’on mange ?…
Rassurez-vous, les Japonais sont de trop bons vivants pour avoir oublié ce « détail » !…
Et vous allez en avoir pour votre compte ! 😀
o sechi ryôri : le must du nouvel an japonais
Comme nous l’avons vu dans l’article sur le mois de décembre au Japon, il est d’usage de préparer la cuisine du Nouvel An/o sechi ryôri/お節料理 en amont, de manière à ne pas avoir à cuisiner pendant les trois premiers jours de l’année.
Son origine remonte à l’époque de la cour de Heian (794 – 1185), mais c’est dans la seconde moitié de l’époque d’Edo (1603 – 1868) qu’elle adopte les contours que nous lui connaissons aujourd’hui.
Elle est présentée dans des boîtes alimentaires à plusieurs niveaux dites jûbako/重箱, très esthétiques visuellement parlant. Comme la préparation de cette cuisine nécessite de longues heures de travail minutieux, les Japonais sont de plus en plus nombreux aujourd’hui à déléguer partiellement, voire totalement, la confection des mets concernés. Grands magasins, supermarchés et sites en ligne rivalisent d’ailleurs d’ingéniosité pour capter de nouveaux clients à cette époque de l’année. Concernant le choix, il y en a pour ainsi dire pour toutes les bourses !
La composition même de o sechi ryôri/お節料理 ne doit bien sûr rien au hasard. Il s’agit notamment d’une cuisine pouvant être conservée plusieurs jours d’affilée sans risque pour la santé. Elle présente quelques variantes régionales tout en mettant en scène deux constantes : la présentation et la composition symbolique.
Une présentation soignée dans une jûbako
Une jûbako/重箱traditionnelle comporte en général trois à quatre niveaux (rarement cinq de nos jours), composés de la façon suivante :
- 1er niveau : des préparations festives telles que des haricots noirs, des oeufs de hareng ou bien de jeunes anchois séchés.
- 2ème niveau : des hors d’oeuvre à teneur un peu sucré, à base par exemple de châtaigne ou de patate douce.
- 3ème niveau : des grillades, dont un plat principal à base de produits de la mer, et des mets vinaigrés.
- 4ème niveau : des plats mijotés, notamment à base de produits de la terre.
Une composition à forte connotation symbolique
Les denrées qui servent de base à cette nourriture – initialement destinée à la satisfaction des dieux/kami – sont quant à elle censées apporter santé et prospérité à l’ensemble de la famille.
Ainsi, s’appuyant le plus souvent sur un jeu de rimes, chaque denrée retenue illustre symboliquement un voeu de santé ou de prospérité.
A titre d’exemple, la dorade royale sera sélectionnée comme mets de choix car, prononcée « tai » en japonais, elle est constitutive du mot japonais « medetai » qui renvoie à quelque chose « de bon (augure) ». De même, la consommation d’oeufs de hareng « kazu no ko » est un clin d’œil au souhait d’avoir une descendance nombreuse, « des enfants en grand nombre ». N’oublions pas qu’avant la mécanisation, le travail de la terre nécessitait de recourir à de nombreux bras !…
o toso : le saké chasseur de maladies !
Enfin, allant de pair avec cette cuisine de Nouvel An, il reste d’usage de boire un saké médicinal d’origine chinoise : le o toso/お屠蘇.
Comme pour o sechi ryôri/お節料理, il existe des variantes régionales dans sa fabrication. Néanmoins, l’objectif affiché est identique. Il s’agit de chasser les mauvais esprits responsables de toutes sortes de maladies. Celui qui boit du o toso/お屠蘇 s’assure donc ainsi santé et longévité ! 🙂
mochi et zôni : deux gourmandises supplementaires qui ne gâchent rien !
Sur le plan culinaire, le Nouvel An japonais traditionnel nous réserve encore des surprises !
J’en retiens deux centrées sur le mochi/餅, ce riz gluant servant de base à des préparations sucrées et salées.
Mochi
En effet, avant même que les désormais célébrissimes mochi glacés n’envahissent nos rayons de supermarché, les Japonais avaient déjà pour coutume de préparer au Nouvel An des mochi confectionnés avec un riz spécialement réservé pour cette occasion. Cette tradition, appelée mochitsuki/餅つき, consiste à piler à tour de rôle le riz gluant dans un très gros mortier en pierre jusqu’à former au final ces boules de mochi dont raffolent les Japonais depuis des générations. Faute d’espace, il est devenu rare de pouvoir s’adonner à cette tradition chez soi, mais voici une vidéo qui traduit bien l’ambiance conviviale qui s’en dégage :
Making mochi in Japan (Mochitsuki)
Pour la petite histoire, cette gourmandise n’est pas totalement sans danger puisque les médias rapportent chaque année que des personnes âgées succombent par étouffement après avoir ingéré des (trop de) mochi ! Plutôt moche pour commencer l’année … 😀
O zôni
Dans ces conditions, mieux vaut peut-être se régaler de cette autre spécialité à base de mochi – o zôni – particulièrement consommée à la période du Nouvel An.
Il en existe plusieurs variantes régionales. Celles du Kansai (région de Kyôto/Osaka/Nara) et du Kantô (région de Tôkyô/Yokohama) sont les plus connues, le bouillon clair de l’une contrastant avec le bouillon « blanc » de l’autre, à base de miso (pâte fermentée de graines de soja). Par ailleurs, selon la région, on optera pour des mochi de forme rectangulaire ou ronde…
Dans tous les cas, il s’agit d’un bouillon savoureux mettant en valeur un mochi (gâteau de riz gluant) qui apporte un vrai réconfort par une journée froide au coeur de l’hiver. 🙂
Nouvel An japonais : le temps des jeux retrouvé…
Après avoir fait bombance et formulé tous nos bons voeux de bonne année, il ne nous reste plus qu’à nous réjouir du temps présent en nous adonnant à quelques divertissements à la saveur d’antan.
Pour les découvrir, laissons-nous porter par cette chanson d’enfant dédiée au Nouvel An : お正月/o shôgatsu.
De ces jeux de Nouvel An issus d’anciennes pratiques de la cour impériale, nous retiendrons :
- le lancer de cerf-volant
- le jeu de toupie
- le jeu de cartes karuta/カルタ (en référence à 100 poèmes classiques mémorisés et lus à haute voix)
- le jeu de balle tissée
- le jeu de raquette à volant
Enfin, ceux qui auront choisi de se soustraire à la pure tradition japonaise pourront néanmoins trouver plaisir à découvrir le contenu de leurs pochettes porte-bonheur/fukubukuro/福袋 de nouvel an…
Les marchands du Temple (grands magasins, magasins spécialisés et boutiques en ligne) rivalisent alors d’ingéniosité pour vous offrir au meilleur prix une ribambelle de bonnes surprises ! 😀
A la lecture de cet article, vous l’aurez compris, les festivités du Nouvel An au Japon ne se résument pas au seul 1er janvier.
Dans les faits, les Japonais consacrent au minimum trois journées entières à fêter l’entrée dans la nouvelle année. Il s’agit bel et bien là de l’événement le plus important inscrit au calendrier japonais ! 🙂
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