Charlotte Caspar : une étoile française dans le monde des wagashi

Cet été, j’ai profité de mes vacances en Alsace à proximité de Strasbourg pour rencontrer Charlotte Caspar,和菓子職人/wagashi shokunin /artisane en confection de wagashi, fondatrice de la boutique Usagiya. Intriguée par le parcours de cette jeune femme hors du commun, découverte dans la presse quelques mois auparavant, j’avais à coeur de la rencontrer en personne pour mieux cerner sa personnalité.

Charlotte Caspar et Véronique Bernard en entretien à Obernai le 27 juillet 2023

L’article que lui a notamment consacré le webzine Journal du Japon en mars 2023 (1) m’avait déjà bien aiguillée sur la question, mais ne suffisait pas à assouvir ma curiosité et ma soif de rencontrer une jeune femme qui, près de 30 ans après moi, mue par une découverte inopinée et sans lien initial avec le pays, a tout fait pour aller au Japon et s’approprier avec passion un pan entier de l’artisanat japonais : la pâtisserie traditionnelle dite « wagashi »/和菓子. Pour mémoire, le « wa »/和 de « wagashi » renvoie à tout ce qui a trait à la « tradition japonaise », par opposition à « yô »/洋 qui désigne tout ce qui a traversé les mers en provenance de l’Occident, comme par exemple les « yôgashi »/la pâtisserie occidentale…
(1) La passion de Charlotte Caspar pour les wagashi (journaldujapon.com)

Charlotte Caspar : un coup de coeur esthétique à l’origine de sa passion pour les wagashi.

Première Occidentale formée et diplômée dans les règles de l’art à la Tôkyô Seika Gakkô/東京製菓学校 section Pâtisserie japonaise/Wagashi/和菓子 – excusez-nous du peu ! – Charlotte a gentiment accepté de nous accueillir (moi et mon conjoint ;-)), alors même que sa boutique fermait deux jours plus tard pour les congés d’été. Je la remercie donc encore très chaleureusement de m’avoir accordé cette entrevue inopinée à un moment peu propice pour elle. Eh oui, à l’heure de fermer boutique et de plier bagages, il faut déjà penser à la réouverture du mois de septembre !…;-)

La première surprise de cette interview, fut d’apprendre qu’avant même d’avoir goûté un wagashi, Charlotte a d’abord éprouvé un coup de foudre esthétique face à la beauté délicate et fine des pâtisseries traditionnelles japonaises ! 😀

En effet, c’est à 18 ans qu’elle découvre l’existence des wagashi, au détour d’un petit stand de la Japan Week 2006 à Strasbourg. Pas d’animation ni de mise en valeur particulière sur le stand, mais l’excellence des pièces exposées suffit à elle seule à provoquer une émotion esthétique durable chez Charlotte. A tel point que celle qui nous dévoile qu’ « (elle) savai(t) que, d’une manière ou d’une autre, (elle) allai(t) finir dans une cuisine », n’a dégusté le premier wagashi de sa vie que trois ans plus tard, au Japon ! 😀 Son BTS en hôtellerie restauration en poche et sa licence professionnelle « Art Culinaire, Art du Service et de la Table » en cours, voici notre Charlotte propulsée pour un stage de fin d’études à Tôkyô dans le labo d’une boutique de pâtisserie traditionnelle japonaise/wagashi-ya/和菓子屋. Le rêve devient alors réalité et débute, comme il se doit, par une première dégustation en boutique ! 🙂

Entretien du 29 juillet 2023 avec Charlotte Caspar à Strasbourg

Un stage de fin d’études à Tôkyô qui se transforme en véritable parcours de wagashi-shokunin.

Il n’en faut pas moins pour convaincre définitivement Charlotte qu’elle est à la bonne place ! Elle enfile alors ses petits souliers d' »apprenti japonaise » pour observer attentivement son maître de stage et ses disciples à l’oeuvre, avant d’être à son tour autorisée à apposer la touche finale aux pièces réalisées…
Un long parcours d’apprentissage commence, dans la pure tradition des wagashi-shokunin/和菓子職人, ces artisans pâtissiers japonais qui se transmettent leur savoir-faire de génération en génération dans le respect des règles qui unissent maîtres (shishô/師匠) et disciples (deshi/弟子). Moyennant un retour express en France le temps de valider sa Licence professionnelle et d’obtenir un visa Vacances-Travail, la voici de retour à Tôkyô pour prolonger l’expérience sur le terrain. Neuf mois plus tard, elle intègre la fameuse Tôkyô Seika Gakkô/東京製菓学校 en section Pâtisserie japonaise/Wagashi/和菓子 ! 🙂

L’école ne manque alors pas de l’accueillir à bras ouverts. A cet égard, Charlotte ne tarie pas d’éloges sur la qualité de l’enseignement et des services offerts. Les frais de scolarité sont certes élevés et nécessitent quelques sacrifices pour le commun des mortels (comptez environ 40.000 euros). En revanche, du fait de la désaffection progressive des jeunes Japonais, de telles écoles comptent beaucoup sur l’intégration de recrues étrangères pour diffuser des savoir-faire ancestraux au-delà des frontières du Japon. Si l’on s’en tient aux performances enregistrées par le saké et les sushi, le pari semble gagné. Charlotte n’a maintenant plus qu’à bien se tenir !… 😀
Avec le temps, elle parviendra à coup sûr à faire oublier son arrivée cocasse et les cinq heures d’attente infligées sur le quai de la gare Nippori de Tôkyô au président de la Tôkyô Seika Gakkô en poste à l’époque ! 🙂

Gomen-nasai ! ごめんなさい !

Entretien du 29 juillet 2023 avec Charlotte Caspar à Strasbourg

Charlotte Caspar : une artisane exigeante pour qui langue et culture sont indissociables.

Vous l’aurez sans doute déjà compris : Charlotte est une jeune femme déterminée et passionnée qui se donne les moyens de réussir ce qu’elle entreprend. Elle a soif d’apprendre et d’approfondir son expertise. Pas question pour elle de se contenter d’un savoir de façade, superficiel ! 😉

Ainsi donc, pour commencer, elle s’est vite inscrite dans une école de langue à Tôkyô pour apprendre le japonais. Car pour elle, point d’accès possible à la culture japonaise sans maîtrise de la langue… Et là, seconde surprise de l’interview, elle nous dévoile contre toute attente que : LE JAPONAIS, C’EST FACILE ! Eh oui, Mesdames et Messieurs ! A condition d’être bien accompagné dans son apprentissage, le japonais, c’est facile ! Exit donc les idées reçues sur cette langue passionnante ! J’y reviendrai dans de futurs articles…

Entretien du 29 juillet 2023 avec Charlotte Caspar à Strasbourg

Résultat : En l’espace de 4 heures de cours de japonais par jour pendant 6 mois à Tôkyô, elle obtient le JLPT Niveau 2, à savoir LE Graal pour prétendre intégrer un établissement d’enseignement japonais en tant que résident étranger.

Aujourd’hui encore, soucieuse d’approfondir ses connaissances à l’écrit, elle suit des cours de japonais à l’Université de Strasbourg en parallèle de son activité d’entrepreneuse à temps plein. La preuve par 9 que : quand on aime on ne compte pas ! 🙂

Mais les wagashi dans tout ça, qu’ont-ils donc de si spécial ?…

A cette question, Charlotte nous répond sans détour que la différence fondamentale entre pâtisserie française et pâtisserie japonaise tient à des textures diamétralement opposées. Selon elle, le « saku saku/サクサク/craquant » caractéristique des pâtisseries françaises contraste avec le « mochi mochi /モチモチ/moelleux » sans pareil des pâtisseries japonaises.

Entretien du 27 juillet 2023 avec Charlotte Caspar à Obernai

Ce rendu caractéristique en termes de texture provient d’une part, des ingrédients utilisés et d’autre part, de la manière dont ceux-ci sont travaillés.

Les wagashi de Charlotte Caspar : la part belle faite à des ingrédients diététiques d’origine naturelle…

Historiquement parlant, on confectionne les wagashi en ayant recours à des produits naturels peu transformés.
Au nombre des matières premières les plus utilisées, on retrouve : le riz, la châtaigne, le haricot rouge. A celles-ci, s’ajoutent en cours de préparation, l’eau – dont la pureté garantit un résultat optimal – ou encore le sucre de canne que les Japonais semblent travailler d’une manière qui le rend particulièrement digeste.
Dans cette liste, vous ne manquerez pas de noter une absence notable : les matières grasses si délétères pour la santé ! 😉

Entretien du 27 juillet 2023 avec Charlotte Caspar à Obernai

A ce titre, si vous souhaitez faire la chasse aux calories superflues, il peut être intéressant de vous référer au tableau suivant, qui répertorie les apports caloriques de certains wagashi à succès :
Trouver les calories et les infos nutritionnelles de cet aliment : Wagashi | MyFitnessPal

…travaillés en douceur pour obtenir une onctuosité maximale

Au final, faisant une large place à l’utilisation de l’eau et à la cuisson à la vapeur, les wagashi ravissent les papilles par leur onctuosité tout à fait unique.

L’exemple le plus emblématique est celui du mochi/餅, qui ne cesse de gagner en popularité à travers le monde entier ces dernières années. Voici ce qu’en dit Charlotte :

Intarissable sur son métier de wagashi-shokunin/和菓子職人, Charlotte Caspar n’a assurément pas fini de faire parler d’elle. En effet, celle qui dit avoir passé « les meilleures années de (s)a vie au Japon » a choisi de rentrer en France pour partager avec le plus grand nombre sa passion et transmettre son savoir-faire à de futurs disciples.

Avis aux amateurs ! Gageons donc que d’ici quelques années, Usagiya aura fait des émules dans toute la France ! 🙂

Pour l’heure, n’hésitez pas à nous joindre via le formulaire de contact pour nous dire ce que vous souhaiteriez apprendre en matière de Wagashi ! 😉

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